Depuis le mois de septembre, je suis des cours en vue de l’obtention d’un diplôme universitaire en ethnomédecine dispensé à l’université de l’ile de la Reunion. Ce DU, unique en France, nous offre un apprentissage vaste et varié sur les médecines plurielles que les Réunionnais utilisent depuis la colonisation de l’ile, fin du 17e siècle.
Introduction à la médecine traditionnelle Réunionnaise
Au fur et à mesure des apports, je me rends compte que l’ile de la Reunion n’a jamais aussi bien porté son nom. En effet aujourd’hui elle est souvent montrée en exemple et cela dans le monde entier pour sa mixité culturelle et son brassage ethnique réussit qui lui vaut à elle seule un concept qui est devenu un quotidien ici : le vivre ensemble.
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C’est d’ailleurs une des théories avancées par le célèbre photographe Reza, qui dans son film documentaire « Reza et le futur du monde » avance que l’ile de la Reunion est une image presque parfaite, une photographie du monde de demain. L’ile est un endroit de diversité et de tolérance où chacun est libre de ses croyances et où une société s’est construite grâce à la convergence des migrants.
Cette diversité unique en son genre est issue d’une histoire récente est d’une colonisation par différents peuples de l’Océan indien : Madagascar, Afrique Australe, France, Inde et Chine. Il est important de comprendre cela, car c’est sur ce mouvement des peuples que se base la culture créole et ses différentes façons de soigner. Ces peuples ont donc amené avec eux leurs savoirs sur les plantes médicinales et leurs connaissances médicales issues de leur culture propre.
La médecine traditionnelle réunionnaise est issue de tout ça, un apport qui est fourni à la base par les premiers habitants de l’ile : les Malgaches.
Les Malgaches ont amené à la médecine traditionnelle, l’utilisation des plantes. Les Indiens eux ont amené l’utilisation populaire de la médecine ayurvédique, la médecine des épices. L’apport africain est plutôt difficile à retracer d’un point de vue historique, mais il existe. Les Chinois ont apporté leurs savoirs en médecine traditionnelle chinoise. La médecine traditionnelle réunionnaise est donc issue de tous ces apports.
À la Reunion il n’y a pas d’uniformité, c’est pour cela qu’un Réunionnais va aussi s’identifier à ses origines : un Réunionnais chinois, un Réunionnais indien… Cette créolisation se retrouve dans toutes les strates de la société sans exception. Dans la médecine, le Réunionnais va donc prendre ce qui l’intéresse et ce qui pour lui fonctionne et cela, peu importe sa religion. Cette médecine n’est donc pas figée à une religion ou à des pratiques culturelles. C’est ce qui est aussi intéressant avec la médecine traditionnelle réunionnaise, à l’image de son peuple c’est aussi une médecine accueillante et bienveillante.
Médecine traditionnelle Réunionnaise : Rafraichir et échauffer
La médecine traditionnelle réunionnaise est une médecine avant tout préventive. On va prendre des « zherbage », afin de calmer des maux, prendre de la phytothérapie avant de tomber malade. L’apport des plantes n’est plus à prouver dans la médecine traditionnelle et encore plus dans la biomédecine (la médecine occidentale). Aujourd’hui 80% des molécules médicamenteuses sur le marché sont issues des plantes.
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En 2013, grâce au travail de l’APLAMEDOM (association de recherche et développement sur les plantes médicinales de La Réunion) c’est 16 plantes médicinales qui sont entrées dans la Pharmacopée Française, une vraie reconnaissance officielle pour l’ile de la Reunion !
- Café marron (les feuilles) Coffea mauritiana, Rubiaceae Indications : diurétique (int.), lotion oculaire (ext.)
- Ayapana (les feuilles) Ayapana triplinervis, Asteraceae Indications : digestion, cicatrisant
- Lingue Café (feuilles) Mussaenda arcuata, Rubiaceae Indications : anti-inflammatoire, sudorifique, fébrifuge
- Bois d’arnette (feuilles) Dodonaea viscosa, Sapindaceae Indications : diurétique, calculs rénaux
- Ambaville (feuilles) Hubertia ambavilla var. ambavilla, Asteraceae : ulcères à l’estomac , dermatoses, eczéma
Et bien plus à retrouver sur le site de l’APLAMEDOM
À la Reunion, on va donc prendre des tisanes pour rafraichir un trouble existant ou prévenir son apparition. A contrario, on va échauffer une pathologie chronique, par exemple le diabète pour atténuer les troubles (ou atténuer son hémoglobine glyquée). Il convient de remarquer que les Réunionnais ont un bon rapport avec la biomédecine, la médecine traditionnelle est donc complémentaire de celle-ci.
Je sais par ailleurs que des études sont en cours sur l’usage des plantes médicinales par les Reunionnais et l’incidences qu’elles peuvent avoir sur les principales pathologies chroniques retrouvés à la Reunion (principalement les facteurs de risques cardio-vasculaires comme l’hypertension, le diabète, l’obésité…). Dans mon service (les soins intensifs), j’accueille souvent des patients avec une exacerbation de leurs troubles (notamment au point de vue rénal), sans que cela soit expliqué…
La phytothérapie réunionnaise existe sous plusieurs formes : les tisanes (les infusions), les décoctions, les sirops, les pommades, les cataplasmes, les macérations. Le mode de transmission est transgénérationnel puisqu’il s’effectue en général de mère en fille. Cela varie en fonction des utilisateurs, mais les mères de famille connaissent en général une trentaine de végétaux.
La relation du pure et de l’impure
Associé au chaud et au froid, la médecine traditionnelle réunionnaise fait entrer aussi l’opposition pure et impure. Elle va aider à soigner certaines représentations que peuvent se faire les Réunionnais, par exemple avec la femme enceinte qui est trop chaude, car elle n’a plus ses règles (le sang ne circule plus) : on va donc la rafraichir.
Les pratiques qui visent à nettoyer le sang sont extrêmement fréquentes dans la population Reunionnaise. Parfois on retrouve des douleurs à léstoma (estomac) siège de la bile considérée comme impure. Les Réunionnais l’expliquent à cause d’une trop grande consommation de piment ou d’alcool comme le rhum (le fameux rhum charrette).
Voilà pour ce premier article d’introduction sur la médecine traditionnelle réunionnaise. En conclusion on peut dire que c’est une médecine basée sur une construction culturelle autonome avec des apports issus du bassin océan indien. Dans le prochain article nous essayerons d’aborder l’aspect religieux et les croyance qui ont une place prépondérante dans la médecine traditionnelle Réunionnaise.
Lire aussi : Médecine traditionnelle réunionnaise : croyances et religions
Source : Diplome Universitaire d’Éthnomédecine -Université de l’ile de la Reunion 2016 –
APLAMEDOM : association de recherche et développement sur les plantes médicinales de La Réunion
Waouh merci pour ce superbe article super enrichissant. ! Quelle chance de pouvoir suivre ce DU ca m aurait vraiment plu ! Et du coup merci de nous faire partager tout ce que tu apprends ! Hâte de lire le prochain article
Merci beaucoup pour ton commentaire Héléne ! La suite arrive très vite 🙂
Hyper intéressant !
Il y a tellement à apprendre la médecine traditionnelle partout dans le monde. Ça doit être fascinant !
Ici en Argentine, on découvre des plantes qu’on n’avait encore jamais vu et on en apprend les usages grâces aux gens que nous rencontrons sur la route.
Bonne chance pour le diplôme 😉
Merci Tim et bonne route à vous 🙂
je suis très intéressé par la médecine traditionnelle et voudrai recevoir une formation là dessus
Je trouve Interessant ton approche.
As tu une bibliographie à nous conseiller ?
Bonjour Yohan,
ex-infirmière j’ai aussi cherché et « testé pour vous » dans les tradi-pratiques, j’aimerais échanger avec toi, car ma démarche était débusquer l’origine de la souffrance pour mieux guérir, donc toujours en amont, en amont, et j’arrive bien sûr à tout ce qui touche à l’origine de l’humanité, interrogation fondamentale et approche spirituelle , dépouillements successifs de toute étiquette et même de toute certitude terrestre,
grand salut,
Ladie