L’expérience d’Anne, une infirmière en pédiatrie au CHM de Mayotte

L’expérience d’Anne, une infirmière en pédiatrie au CHM de Mayotte

 

Aujourd’hui sur le blog, nous avons la chance d’accueillir Anne qui a choisi de revenir pour nous sur son aventure Mahoraise en tant qu’infirmière en pédiatrie. Cette destination d’outre-mer n’était pas un choix, en effet elle décide de suivre son mari militaire qui a été affecté pour deux ans à Mayotte. C’est donc avec son homme et ses 3 enfants qu’elle va tenter l’aventure Mahoraise pendant plus de 2 ans. Aujourd’hui, de retour en France métropolitaine, elle analyse pour nous et avec le recul nécessaire son aventure en terre Mahoraise. 

L’expérience d’Anne, une infirmière en pédiatrie au CHM de Mayotte

Je m’appelle Anne, j’ai 32 ans, je suis mariée et j’ai trois enfants. Je suis infirmière depuis 2005. J’ai travaillé dans pas mal de services, de la chirurgie à la dialyse, en passant par la SSPI, et les urgences, tout cela en métropole dans la fonction publique hospitalière.

L'expérience d'Anne, une infirmière en pédiatrie au CHM de Mayotte

Les circonstances qui m’ont amenées à Mayotte

Mayotte n’a pas été spécialement un choix pour moi. En effet, je suis mariée à un militaire. C’est lui qui a été muté pour deux ans à Mayotte et j’ai donc suivi naturellement. Très franchement, je ne suis pas venue de gaité de coeur, étant bien intégrée dans mon ancien service et n’étant pas spécialement « aventurière » ! Je ne connaissais Mayotte que de nom et savait à peine situer l’île sur une carte. J’ai dû beaucoup me documenter afin de rattraper mon retard de culture générale ! Au niveau de l’hôpital, étant déjà titulaire de la FPH, j’ai pu venir par voie de mutation.

Mon travail au sein du service de pédiatrie du CHM

Le service de pédiatrie de l’hôpital de Mamoudzou accueille environ 35 à 40 enfants âgés de quelques jours à  environ 16 ans. Il est divisé en deux secteurs, les nourrissons de 3j à 3 ans et les grands enfants à partir de 3 ans. Il y a aussi 4 lits de surveillance continue pédiatrique avec une équipe de soignants dédiés. Le fonctionnement se fait par binôme avec une AS. Une infirmière prend 8 à 9 enfants en charge.

99% de la population accueillie est locale, soit Mahoraise, soit venant (le plus souvent clandestinement) des îles voisines des Comores (Anjouan, Grande Comore et Mohéli).

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C’est une population très défavorisée et en grande précarité. Les Comoriens ne parlent souvent pas français et leur culture médicale repose sur la médecine traditionnelle et parfois animiste. Il n’est pas rare de voir arriver des patients avec de graves complications de leur pathologie car ayant essayé de se soigner avec leur médecine traditionnelle avant de consulter les médecins occidentaux. La maladie est perçue comme un signe du mauvais oeil ou d’une punition divine, voire d’une fatalité, ce qui rend parfois difficile le dialogue entre les soignants et les parents, ceux-ci n’ayant souvent pas de connaissance de l’anatomie du corps humain, de la notion de germes ou de microbes. Il faut savoir adapter son discours, cela demande une adaptation et une remise en question permanentes.

L’expérience d’Anne, une infirmière en pédiatrie au CHM de Mayotte

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Les pathologies rencontrées à Mayotte

Sur le plan médical, nous rencontrons énormément de pathologies infectieuses, tuberculose, fièvre thyphoïde, maladies tropicales, SIDA. Beaucoup de drépanocytose et thalassémie, des cardiopathies avancées.

Le service accueille aussi les hébergements chirurgicaux pédiatriques (chutes de manguiers ou de cocotiers avec traumatismes crâniens) brulures importantes par accident domestiques.

Est-il facile de soigner les enfants de Mayotte ? Quel est le rapport entre les soignants métropolitains et les locaux ?

Franchement, je dirais non. Les enfants Mahorais ou Comoriens éprouvent souvent une grande méfiance envers les « M’zungus » (les blancs), qu’ils ont peu l’occasion de côtoyer dans leur vie quotidienne. Heureusement nous travaillons autant que possible en binôme avec une aide soignante Mahoraise, qui peut faire le lien culturel et traduire nos explications. Après, un enfant d’où qu’il soit reste un enfant,  et par le biais de jeux, de chansons, d’humour avec les plus grands, nous arrivons souvent à tisser un lien fort avec nos petits patients et nos mamans.

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J’ai souvent beaucoup ri avec certaines mamans alors que nous ne nous comprenions pas du tout sur le plan du langage. Je pense qu’il faut s’intéresser à leur culture et surtout ne pas juger leurs croyances et leur façon de s’occuper de leurs enfants. En revanche, il y a un gros travail d’éducation à la santé à faire, sur l’hygiène, le suivi des traitements (pour lesquels les Mahorais ont une grande méfiance). Les durées d’hospitalisation sont souvent rallongées pour s’assurer par exemple que l’antibiotique sera administré sur une période suffisante, car beaucoup de parents ont tendance à ne pas poursuivre les traitements à la sortie de l’hospitalisation. C’est un travail parfois décourageant, car le fossé est grand entre notre culture et la leur.

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Ce qui me plait à Mayotte

Très honnêtement j’ai trouvé la vie à Mayotte très difficile, loin des images de carte postale des îles en général. Le climat est chaud et très humide, les plages sont sauvages, il y a beaucoup de déchets partout.

Malgré cela, je garde comme image positive la joie de vivre de la population. Ils ont une grande culture de l’entraide, on ne se promène jamais dans la rue sans être salué par les gens que l’on croise, il y a toujours des festivités traditionnelles, des mariages, des célébrations religieuses. le lagon est aussi la grande merveille de Mayotte. La plupart des métros profitent de leur séjour pour se former à la plongée. On peut facilement sortir en bateau à la rencontre les dauphins, des raies, des baleines, des tortues et parfois des dugongs.

La vie culturelle à Mayotte

Mayotte est une île musulmane, la culture est marquée par l’influence Africaine et malgache. De ce fait c’est une culture aux multiples contradictions et difficile à cerner pour les nouveaux arrivants. L’islam est omniprésent, plusieurs mosquées sont érigées dans chaque village. Mais c’est un islam modéré et très tolérant. Je n’ai senti aucun sentiment d’oppression par rapport à la religion pendant mon séjour. En parallèle, la culture est aussi marquée par l’animisme. On consulte le « foundi » pour chasser le mauvais oeil, les esprits s’invitent dans les mariages….

Les manifestations sont souvent dépendantes du calendrier religieux. Les mariages sont aussi l’occasion de grandes festivités pouvant durer parfois 2 semaines. La musique traditionnelle résonne tous les week-ends jusqu’à des heures avancées de la nuit. c’est une île pour le moins vivante !

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La sécurité à Mayotte.

Il ne faut pas le nier, Mayotte n’est pas une île tranquille. Mayotte connait un problème d’immigration clandestine inégalée. On considère, car il est difficile de faire un recensement, qu’environ un habitant sur deux est entré clandestinement. Beaucoup ne sont pas régularisés et de ce fait ne travaillent pas. Les vols sont quotidiens, les violences aussi. Il faut connaître quelques règles simples quand on vient à Mayotte : ne pas sortir seul le soir, s’enfermer chez soi, ne rien porter d’ostentatoire, ne pas marcher ou conduire le téléphone visible, cadenasser son scooter, ne rien emmener de précieux à la plage…. cela peut être pesant pour qui est d’un naturel anxieux. Pour ma part, en 2 ans , on ne m’a « que » volé un scooter. Je vivais en petite terre, je prenais donc la barge pour rentrer chez moi, en descendant à pied, et de nuit, de l’hôpital à la barge et il ne m’est jamais rien arrivé. D’autres collègues par contre se sont fait agresser, dehors ou chez eux. C’est une réalité à connaître, mais ce n’est pas insurmontable si on n’est pas isolé. Il faut aussi reconnaître que petite terre est plus sure que grande terre et prendre la barge est plus court et moins désagréable que de rester coincer dans les bouchons le matin.

L'expérience d'Anne, une infirmière en pédiatrie au CHM de Mayotte

Mes conseils pour les soignants qui veulent tenter l’aventure

Pour venir à Mayotte, je conseillerai d’être d’un naturel plutôt ouvert et un peu aventurier. le secret d’un bon séjour est de s’ouvrir aux autres, de se faire rapidement un réseau de collègues qui deviendront vite des amis. Pour le boulot, il faut être autonome et avoir une grande capacité d’adaptation. Spécifiquement pour la pédiatrie, je me rappelle qu’on peut être nommé dans ce service même si on n’a jamais fait de pédiatrie et qu’on en n’a pas envie. Il faut donc être prêt à l’accepter et s’adapter à cette population si particulière. C’est une spécialité assez difficile à Mayotte, on voit des enfants en grande souffrance, on est amené à voir des enfants décéder relativement régulièrement, à faire des soins invasifs. Cela peut être difficile psychologiquement si on n’est pas préparé. Le turn over est énorme à Mayotte, les équipes locales ne sont donc plus très investies dans l’accueil et la formation des nouveaux arrivants. Il faut être capable de remettre soi-même en question ses pratiques pour rester dans des soins de qualité.

Pour résumer, Mayotte n’est pas facile, mais on en sort avec une grande richesse de rencontres et d’expériences.

Merci Anne d’avoir accepté de partager ton expérience.
Si vous avez des questions sur Mayotte, n’hésitez pas à nous rejoindre sur notre groupe Facebook ou à laisser votre commentaire au bas de cet article.

5 réflexions au sujet de “L’expérience d’Anne, une infirmière en pédiatrie au CHM de Mayotte”

  1. Bonjour,
    Merci Anne pour le témoignage !
    J’ai travaillé quelques mois dans le service de pédiatrie au côté de Anne et dans d’autres services du CHM en tant qu’IDE.
    Mon opinion est un peu plus nuancée concernant la relation avec les enfants.
    « Franchement, je dirais non. Les enfants Mahorais ou Comoriens éprouvent souvent une grande méfiance envers les « M’zungus » (les blancs), qu’ils ont peu l’occasion de côtoyer dans leur vie quotidienne. »
    Même si il y a une certaine méfiance envers ce qui est inconnu, je trouve que les mahorais accordent une grande confiance aux soignants.
    C’est une expérience humaine très riche, j’encourage vivement les soignants à tenter l’aventure !

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  2. Bonjour,
    j’ai moi-même travaillé en Pédiatrie au CHM …. (2001-2003) et je suis également plus nuancée…. j’ai adoré ce service et les relations avec les familles et les enfants que j’ai trouvé plutôt simples, enrichissantes, pleines d’émotions et de surprises. Le barrage de la langue ne m’a pas posé de problème et de leurs éventuelles « craintes » ou « appréhensions » à l’égard de notre médecine..j’en ai tiré de grands enseignements ! je vous encourage vivement à tenter l’expérience ! vous en ressortirez …grandi !

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  3. Merci pour vos témoignages !
    J’ai très envie de tenter cette formidable aventure, et depuis longtemps!
    Je suis sage-femme, je pense que travailler à Mayotte pourrait m’apporter énormément.
    Je suis un peu aventurière, alors j’ai envie de me lancer ! Mais mon conjoint l’est moins, et a peur de l’insécurité.
    J’espère vraiment pouvoir le faire!

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  4. Je suis à Mayotte Depuis 8 mois et j appréhendais beaucoup avant de me décider. J avais peur de l insécurité. Je suis une femme et je vis seule et aujourd’hui je suis très contente d être à Mayotte.
    Il faut simplement respecter quelques consignes pour éviter les problèmes.
    Je vous recommande Mayotte.
    C est un dépaysement total.

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  5. Bonjour, j’envisage de travailler sur le CHM, étant maman de 3 loulous, j’aimerai connaitre le roulement de planning pour anticiper le mode de garde. Merci pour vos réponses.

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